L'affable cheminot
Comme je ne trouvais pas de réponse à ma question
Je me suis mis à cheminer, en quête d’un cheminot.
Je pris donc le chemin où cheminent les cheminots.
Des chiens, des chats, mais rien d’autre. Déception.
Dans les champs, les charrues chuchotaient à la terre
Dans les haies, les oiseaux jouaient. Mais pas de cheminot.
Une chouette tout à coup me héla et sur un ton bien haut :
« Les cheminots ont quitté les chemins pour des prés plus verts.
Il y a bien longtemps qu’un cheminot n’est plus un pauvre hère,
Ce modeste ouvrier parcourant les chemins en quête de travail.
Il a trouvé le filon, de père en fils, à l’ombre du national rail.
Il fait maintenant partie d'une communauté très fière ».
Je remerciai la chouette et repris le chemin de la …. Ville.
Je me retrouvai soudain au cœur d’une foule vociférante,
Des pétards, des banderoles, et des merguez fumantes.
Tous ces braillards aux couleurs fluorescentes, qui sont-ils ?
L’un d’eux me cria : Quoi ! Vous ignorez qui nous sommes ?
Mais nous sommes cheminots, ceux qui ont quitté le chemin.
Du sabot ferré à la voie ferrée, notre but avons atteint.
Enfin, j’avais trouvé le cheminot, ce forçat, ce pauvre homme.
Je m’enquis de sa condition sociale, prêt à lui offrir mon temps,
Mais quand il se mit à énumérer ses primes : de fin d’année,
De repos, de vacances, de parcours ….. Je ne pus tout noter.
Voilà donc le nouveau cheminot : loin de la misère d’antan.
Je lui dis ma satisfaction de le voir si nanti et lui demandais :
Que fais tu dans la rue ? Tu attends qu’on t’élève une statue ?
Que nenni répondit-il, je suis là pour défendre mon statut.
Est-il attaqué ? lui demandais-je. Non, mais on ne sait jamais.
Voudrait-on te privatiser ? Non, mais on ne sait jamais.
Vas-tu manquer de travail ? Non, mais on… ne sait jamais…
Mais tu n’apportes toujours pas de réponse à ma question.
Quelles sont donc les raisons de ta colère, de ton irritation ?
C’est que, lorsqu’on est cheminot, on respecte les traditions…
Et quelles sont donc ces traditions dont vous êtes si respectueux ?
Eh bien, chaque année, nous taquinons nos usagers de banlieue
En les empêchant joyeusement de travailler par des grèves à répétition.
Moralité :
Point n’est besoin d’arguments de bon aloi
Quand on est abreuvé par la mauvaise foi.
Roland Vannier
Toulouges le 27 avril 2018