Tramontane
C’est comme une plainte continue,
Un souffle douloureux qui s’insinue
Avec cette force et cette détermination
D’une voix féroce d’un volcan en fusion.
Parfois, un sifflement aigu surgit
Soudain de ce furieux grondement infini
En secouant avec hargne les fenêtres
Des chambres de chaleur et de bien-être.
Certains disent que ce vent rend fou.
Moi, j’aime sa puissance et ses à-coups.
Tantôt, il gronde constamment et sans répit,
Tantôt, il se tait mais ce n’est qu’une accalmie.
On le croit fatigué mais soudain il ressurgit.
Je me souviens d’avoir passé en sa compagnie
Des heures entières, seul en montagne, la nuit.
Il accompagnait mon effort de sa sauvagerie.
Ses bousculades, ses gifles, ses grognements
Etaient pour moi une forme d’accompagnement.
Quand j’atteignis le sommet, il faisait encore nuit,
Et le souffle du vent en même temps avait ralenti.
Adossé à une pierre, tourné vers la Méditerranée,
Je sentais sur moi son souffle comme apprivoisé.
Le jour se leva doucement, découvrant le relief.
Par une rafale, le vent me rappela qui était le chef.
Dans ma solitude à presque trois mille mètres
Je n’avais pas oublié que la Nature est maître.
Au loin, sur l’horizon droit, tracé au cordeau,
Emergea un premier rougeoiement de l’eau.
A ce moment précis, se tut l’amie Tramontane
Je la sentis se retirer, élégante comme une sultane.
Elle emmenait avec elle les derniers voiles de nuit.
Silence assourdissant. Plus aucun bruit.
Spectacle inouï.
Roland Vannier
Plaine du Roussillon le 6 décembre 2021