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Le blog d'écriture de Roland
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1 mai 2020

Les cancres se reproduisent sur les médias

Maxime Nicole 2  

barbara lefèbvre

 

Dr Juvin

 

Il y a toujours eu autant de grandes gueules qu’aujourd’hui mais on les trouvait dans des endroits plus confinés (tiens, déjà) : Les bistrots, les machines à café en entreprise, le rôti du dimanche en famille… Tous ces gens anonymes et sans envergure, qui ont besoin de se faire remarquer, d’exister, d’être en vue, il y en a toujours eu. Pour la plupart, ils sont dépourvus d’arguments de fond mais veulent que l’attention de leurs quelques auditeurs se centrent sur leur nombril. Ce n’est pas d’aujourd’hui. Leur devise : « Ce n’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule ! ».  Ma devise serait plutôt: «Ce n’est pas ceux qui ont les arguments les plus pertinents qui parlent le plus fort. »

Alors, si ce n’est pas nouveau, pourquoi en parler ? …

C’est que depuis ces dernières années, les grandes gueules ont trouvé des amplis et des clients amateurs de grandes gueules.

Les « amplis »

Sur les réseaux sociaux (RS), amplis certes nasillards et pas très propres, mais amplis par excellence, la majorité des grandes gueules du clavier n’a rien à dire, à analyser, expliquer, raisonner. Alors, à défaut, ils gueulent ! Ils sont la preuve vivante de leur devise : « Ce n’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule ! ». Bien sûr, il n’y a pas que ces aboyeurs creux et incultes sur les réseaux sociaux. Il y a également les complotistes, les vicieux de l’info, les sournois, les opposants de toute nature à toutes les gens qui agissent, réfléchissent et décident. Il y a aussi des gens bien mais depuis ces dernières années, ceux-ci se font de plus en plus rares.

 Les RS, terrain de jeux extraordinaire pour tous, et une aubaine pour les plus lâches, les plus frustrés et les anonymes. D’un public de cinq auditeurs de bistrot aux milliers d’abonnés des réseaux, les grandes gueules ont pu accéder à l’amplification de leurs aboiements, souvent populistes. Mais les RS ne sont pas les seuls amplis. Les médias traditionnels, affolés et craintifs de la concurrence de ces réseaux sociaux, ont fait des concessions énormes à l’éthique journalistique. Au détriment de la rigueur et de la qualité de l’info, ils consacrent maintenant un temps énorme à ce spectacle de kékés débiles en quête d’importance. Ils ont ouvert bien grands leurs portes aux grandes gueules.

Bien sûr, des grandes gueules sévissaient déjà  sur les plateaux TV et radio mais l’exercice de ce spectacle démagogique était réservé à un petit nombre de spécialistes: politiciens démagos et populistes tels Lepen, Mélenchon, Dupont-Aignan et compagnie.

Pour contrer les RS et limiter la chute de l’audimat, les médias traditionnels ont sérieusement développé le temps de grandes gueules sur leurs antennes mais aussi l’ouverture à des inconnus sans expertise, sans talent ni compétences particulières si ce n’est celle de grande gueule en quête de notoriété comme dans les TV réalité. Comment devenir célèbre sans aucun talent autre qu’être « fort en gueule. ». Les titres d’émissions et de sujets en témoignent : « Coup de gueule de Machin Truc contre l’interdiction des chewing-gums à la chloroquine », l’émission de RMC « Les Grandes Gueules », les JT avec les syndicalistes qui, comme la poupée de Polnareff, disent toujours « non » : Martinez, Lauren Brun, les docteurs Marty, Juvin, Prudhomme, Les « cerveaux » des gilets jaunes, etc … Bref, tous ces « je veux pousser un coup d’gueule contre… ».

Les amplis (les RS et les TV dégradées) sont maintenant grand ouverts à tous. Vraiment tous. Du plus intelligent au plus débile. Et les médias considèrent leur parole au même niveau. Mais si les TV et radios ont ouvert leurs amplis à n’importe qui, c’est bien parce qu’ils ont des bons clients consommateurs de ces coups de gueule de commères et bateleurs.

Les « clients » :

Si dans la rue, une bagarre éclate, immédiatement, un attroupement se forme. La foule entoure les belligérants: coups de gueule, coups de poings. Les curieux s’amoncellent. Une distraction dans leur vie qu’ils ont décidée petite. Du sang, du sang ! Le ton monte, les cris aussi, les jeux du cirque romain dans la rue. De même, à la foire, il y a toujours du monde autour du camelot et sa grande gueule.

Spectacle gratuit de grandes gueules et de combats. Pour assister à ces évènements, la foule demeurait restreinte: vingt, trente, quarante personnes ? Mais si on avait des amplis … on aurait plus de monde, beaucoup de monde, énormément de monde. Et oui… il y a de la clientèle, beaucoup de clients avides de grandes gueules. Ces dernières étant un peu le porte voix de leur ennui, de leur envie de crier, de se défouler, de se libérer de leur petite routine.

Les médias le savent bien.

Les grandes gueules sont bienvenues sur les plateaux TV car, derrière son écran, le public des bagarres et des camelots est présent en nombre. De plusieurs dizaines dans la rue ou au bistrot, on est passé, avec les amplis, à des centaines de milliers, voire des millions de voyeurs. Si les médias ont invité les gentils voyeurs à une émission intitulée « débat » qui va se dérouler entre deux grandes gueules, ils savent pertinemment qu’on sera bien loin d’un débat... Car, en fait, ils savent bien qu’en France, on ne débat plus. On combat. Et les deux parties le savent implicitement. C’est bien un combat de grandes gueules qui crient, s’agitent, invectivent sans écoute et sans respect, qu’attendent, avec délectation, les téléspectateurs et auditeurs qui s’ennuient.

 

Et puis nous sommes en France. Alors, au pays du coq gaulois qui continue de gueuler, même quand il a les pieds dans le fumier, si on a des candidats plus ou moins creux, forcément opposants aux pouvoirs (condition nécessaire), dotés d’une grande gueule, eh bien, quelque soit le contenu, la valeur de la parole (de l’idiot de village au philosophe), les grandes gueules seront toujours bien accueillies sur les plateaux des médias, réjouis de satisfaire leurs clients « audimat », voyeurs, capables de rester des heures devant des éclats de voix, quelque soit la pertinence du discours.

Toutes ces grandes gueules mesureront ensuite, non sans bomber le torse plus volumineux que le cerveau, leur notoriété acquise en comptant leur nombre d’abonnés qu’ils verront grimper en flèche sur les réseaux sociaux.

Quant aux médias, ils prieront Saint Faucul que, pour le lendemain, l’actualité leur fournisse une nourriture de cantine, bien pimentée de bagarres, de dégâts, de drames et de … grandes gueules.

 

Roland Vannier

Perpignan le 1er mai 2020

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