Gilets jaunes devenus sales
Mi-novembre 2018. Sur deux mille points de rassemblement en France, on compte environ 280 000 personnes qui manifestent. La plupart portent un gilet de signalisation, utilisé habituellement lors des pannes ou accidents automobiles. Leur revendication audible consiste en une baisse des taxes sur les carburants automobile et sur un refus de la limitation de la vitesse légale sur les routes secondaires à 80 km/h.
Mais qui sont ces gens tellement préoccupés par des problèmes liés à l’automobile ? Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? …
Nos médias, si soucieux d’informer objectivement la population et si respectueux de la déontologie du journalisme, se mettent en quête d’informations.
Dans les TV en continu, branle-bas de combat, éditions spéciales en continu du matin au soir avec prolongations la nuit. Des interviews, des micro-trottoirs, des « experts » défilent sur leurs écrans. A défaut de comprendre, les « experts » racontent un peu n’importe quoi mais malgré tout, on les laisse répéter leur ignorance toute la journée. Les « micro-trottoirs » et les interviews disent tout et son contraire. La seule constante, c’est la colère des Homo Sapiens à gilet. Une colère qui ne s’exprime pas par des mots choisis « par Montaigne et la Boétie » comme disait Brassens, mais plutôt avec des mots qu’on peut entendre au comptoir des bistrots ou auprès des machines à café. Tout le monde ayant, bien sûr, la solution. « Yaka », « Faukon »
Comme la nature a horreur du vide et que personne ne comprend vraiment ce qui se passe, les journalistes déclarent, solennels, qu’il s’agit là d’un mouvement « spontané ».
Etonnant non ? Un mouvement spontané qui rassemble le même jour presque 300.000 personnes … Ah mais attention, nous dit-on : ils ont utilisé les réseaux sociaux (RS) pour se réunir. Nous y voilà c’est le fait technologique divin du début du 21e siècle.
Donc, voilà presque trois cent mille petits êtres venus de nulle part qui, spontanément (donc sans préparation, sans origine, sans coordination, sans organisation préalables) mais grâce aux dieux à la voix impénétrable que sont les RS, se sont miraculeusement réunis le même jour pour manifester. Ah ? et depuis combien de temps ce mouvement « spontané » se « prépare »-t-il ainsi sur les RS ? … Pas de réponse précise …Mais qui a lancé ça ? On ne sait pas. C’est spontané « qu’on vous dit », alors quoi, vous ne comprenez pas le Français ? Ah oui ? (re) étonnant, non ? Mais admettons … pour l’instant.
Bref ! Le samedi se termine mais attention ce n’est pas fini, ils préviennent : on revient samedi prochain pour « l’acte »2. Mais qu’est-ce c’est ? Du théâtre ? Molière est revenu ? On va distraire le peuple chaque samedi avec une représentation de théâtre de « boulevard » ? Eh bien oui. Chaque samedi, les « actes » vont se reproduire sur les boulevards des villes. Et la semaine, les acteurs récupèrent : La même comédie, le même scénario pendant un mois et demi. Blocages anarchiques des ronds-points, des entrées et sorties d’autoroutes qui ont d’ailleurs coûté la vie à une dizaine de personnes innocentes, qui ont eu le malheur de passer par là. Et puis le samedi, la grand-messe à Paris pour aller se défouler sur les Champs-Elysées. Simultanément, aux demandes initiales liées aux coûts automobiles, s’ajoutent alors des dizaines d’autres revendications souvent contradictoires et étonnantes, quand elles ne sont pas simplement farfelues. Enfin, parmi ces revendications, on voit apparaître des demandes très politiques. Très très politiques…
Jusqu’à l’acte 4 des comédies du grand théâtre jaune, soit le 8 décembre 2018, le nombre de Croyants, qui se défoulent le samedi en ville, a baissé mais reste significatif : de 280.000 à 166.000.
Le 10 décembre, le Président de la République fait un mea culpa télévisé et s’engage sur des mesures sociales évaluées à environ 10 Milliards d’euros.
Comment ces mesures sont-elles reçues par les pélerins jaunes ? Ceux qui ont le plus de difficultés à comprendre ou ceux qui ne veulent rien entendre répondent par le gimmick « Macron démission » et des moqueries d’enfants cruels. Le plus grand nombre ne s’exprime pas. Ces derniers ne sont pas de bons clients pour les médias qui, dans leurs éditions spéciales, interrogent bien sûr, tous ceux qui expriment des opinions négatives, de façon spectaculaire, provocante et avec un vocabulaire souvent fleuri.
Mais ce qui compte pour un observateur attentif, ce sont les chiffres. Si le samedi précédent l’intervention télévisée du chef de l’état, ils étaient encore 136.000 figurants dans l’acte 4 de la pièce de théâtre citadine, le samedi suivant cette même intervention du PDR, le nombre de figurants actifs dans l’acte 5 a été divisé par deux : 66.000. Les actes 6 et 7 qui seront les dernières représentations de 2018, voyant la troupe de comédiens jaunes s’effilocher encore : respectivement 39.000 puis 32.000 comédiens, soit 0.047% de la population totale.
Les personnes de bonne foi (retraités mécontents de la CSG, salariés à petit revenu, etc…) qui, pour des raisons objectives et justifiables, avait largement grossi les rangs du mouvement « spontané », ayant obtenu, peu ou prou, avec la promesse présidentielle, ce qu’ils désiraient, se retirèrent raisonnablement.
Avec leur retrait, le mouvement des Gilets Jaunes se termina fin décembre 2018.
Mais, après ce théâtre de fin d’année, la dinde de Noël et les flonflons du jour de l’an, les réseaux sociaux (RS), les TV en continu, trois françaises : BFMTV, CNews, LCI, et deux russes : RT France et Sputnick, nous annoncent, l’œil pétillant et menaçant, que le mouvement « spontané » n’est pas mort et, que tel un phoenix, il va renaître en 2019, des cendres des destructions réalisées avec jouissance par les plus violents d’entre eux en 2018.
Et, effectivement, le théâtre reprend ses représentations le samedi 5 janvier 2019 avec 50.000 figurants, soit 6 fois moins qu’à son début en 2018. Puis, il va continuer les samedis suivants, avec une pointe de 84.000 les 12 et 19 janvier, avant d’entamer une baisse progressive et régulière des amateurs actifs du spectacle vivant, acte après acte, jusqu’à n’être plus, dans toute la France, que 5 à 10.000 en juin 2019.
Quand on analyse avec le recul ces évènements, on peut dire que le mouvement des Gilets Jaunes a commencé mi-novembre 2018 pour se terminer fin décembre. C’est du début du mouvement « spontané » à l’allocution présidentielle, que les participants ont été les plus nombreux : 280.000 soit 0,41% de la population totale.
La population sur les ronds-points était très éclectique: des retraités fâchés par la mesure d’augmentation de la CSG, des salariés s’estimant non reconnus, des personnes au chômage ou touchant le RSA… et puis des jeunes et des plus vieux, des pépés et mémés qui aiment la castagne comme disait Nougaro. Mais n’oublions pas ceux qui, seul(e)s (ou pas) à la maison, avaient trouvé l’occasion de se faire des copains/copines avec qui on pouvait passer du bon temps, à boire des « bons coups » et tout à ce que vous voudrez bien imaginer… Beaucoup avaient l’impression de s’évader de leur terne quotidien et de vivre là une aventure qui éclairait leur vie.
Mais il y avait également parmi tous ces gens, un noyau plus dur, plus ambitieux, avec des buts personnels ou collectifs, de mise en avant de leur personne ou d’idéologies marginales ou extrêmistes.
En 2019, le noyau d’activistes violents s’était renforcé, en nombre et en savoir-faire en terme de guérilla urbaine. Les ronds-points se vidaient peu à peu, les revendications se faisaient de plus en plus politiques et les « actes » ressemblaient plus à des actes de guerre qu’à des actes de théâtre.
Les anarchistes, les extrêmistes de gauche et de droite cohabitaient plus ou moins bien et s’étaient rendus maîtres du mouvement.
Derrière eux, La France insoumise n’avait rien compris et elle avait cru voir (surtout Mélenchon-Roméo, courtisan Drouet-Juliette) une nouvelle occasion de faire tomber les méchants gouvernants. Le FN de Marine Lepen ne se montrait pas et restait bien tranquille, sachant que tout ça allait lui revenir. Il fallait bien que le travail en amont sur la « spontanéité » du mouvement lui rapporte des dividendes. J’imagine volontiers la,fille de pôpa Lepen ricanant de voir Roméo-Mélenchon gesticuler et faire tous ces efforts dans l’espoir d’une bonne affaire, alors qu’elle savait que tout lui reviendrait.
De janvier à juin 2019, les tv en continu ont également joué les prolongations, laissant croire que le mouvement des gilets jaunes se poursuivait alors, qu’à mon avis, elles savaient très bien que les gilets jaunes avaient été remplacés par plus de noir, de brun, de foncé, d’obscur, de « pas propre »… Mais, les TV en continu ont fermé les yeux là-dessus. Pensez donc : Quelle aubaine pour les programmes et la nourriture pour voyeurs et impudiques qui leur était offerts sur un plateau (de TV ?). Alors la déontologie, l’éthique journalistique, on s’assoit dessus et on « profite ».
Pourtant, les Gilets Jaunes de 2018 avaient bien laissé leur place au mouvement des Gilets Sales en 2019.
En 2019, on a vu se déchaîner, contre la République, chaque samedi dans les grandes villes, des petits nombres de casseurs professionnels, soutenus, voire épaulés par d’anciens gilets jaunes reconvertis dans la violence et puis quelques abrutis venant prendre la lumière des sous-médias français et russes.
Si, en 2018, les gilets étaient jaunes fluorescents, c’était pour attirer l’attention, pour se signaler à la société et scander des revendications avec lesquelles on pouvait ne pas être d’accord, mais qui étaient justifiables dans le cadre du champ républicain et démocratique.
En 2019, la couleur jaune était bien devenue sale dès le début de l’année. Les intentions n’étaient plus les mêmes : il ne s’agissait plus d’améliorer la vie des Français mais de renverser la démocratie, en employant tous les moyens : les plus retors, les plus fourbes, les plus sales. Dès 2019, on était entré dans l’ère des Gilets Sales, faisant croire au monde qu’ils avaient bien la même couleur que les gilets jaunes de 2018.
Malheureusement pour eux, pour leurs complices : les médias voyeurs , les groupuscules extrêmistes gauche et droite et leurs vitrines (FI et FN), leurs manipulations, infox, mensonges, coups de menton de baroudeurs, invectives et insultes des institutions républicaines, tout cela n’a pas réussi à faire tomber notre démocratie.
Une grande concertation, des échanges, des dialogues se déroulant au début de l’année 2019 avait redonné la parole aux citoyens qui en avaient été privés depuis vingt ou trente ans. Insensiblement d’abord, puis de plus en plus visible, cette parole libérée et saine redonna de l’oxygène au peuple français, étouffant par là-même, les Gilets Sales faux successeurs des Gilets jaunes de 2018.
Aujourd’hui, la démocratie est loin d’être à l’abri. Ses tueurs potentiels disposent toujours de leurs capacités de nuisance. Cependant, cette victoire des démocrates remportée au bout d’une année de résistance sur les partis extrêmes et leurs bras armés les Gilets Sales est encourageante et pleine d’espoir.
Roland Vannier
Perpignan le 22 octobre 2019
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